Un élève français sur cinq comprend mal ce qu'il lit
La nouvelle édition de l’étude Pisa, qui met l’accent sur la compréhension de l’écrit, montre que les écarts se creusent entre bons et mauvais élèves. En cause, la pédagogie et le milieu culturel
C’est un paradoxe français. Comparé aux autres états membres de l’OCDE, notre pays compte une proportion toujours plus grande d’élèves de 15 ans « performants » ou « très performants » en compréhension de l’écrit (« localiser et extraire des informations », « intégrer et interpréter ces dernières » et « réfléchir et les évaluer »).
Et pourtant, comme le confirme la dernière édition de l’étude Pisa, publiée mardi 7 décembre, notre système scolaire produit un nombre croissant d’élèves en grande difficulté. En neuf ans, la France, désormais classée en 22e position sur 65 pays, a vu ainsi sa part de collégiens les moins performants passer de 15 à 20 %. Un chiffre à mettre en relation avec les 15 % d’élèves qui quittent le primaire sans maîtriser l’écriture et la lecture…
Longtemps, des experts ont incriminé la « méthode globale » d’apprentissage de la lecture, basée sur une reconnaissance « photographique » des mots, voire des phrases. Une méthode que Gilles de Robien, alors ministre de l’éducation, avait définitivement enterrée en 2005.
« En réalité, personne n’a jamais vraiment mis en œuvre cette pratique, se souvient Joël Devoulon, secrétaire national du Sgen-CFDT. Aujourd’hui, la quasi-totalité des professeurs combinent des méthodes basées sur le déchiffrage des syllabes et d’autres qui s’appuient davantage sur le sens des mots et des phrases », note-t-il.
Faiblesse du dépistage et de la prise en charge
En revanche, selon la conférence de consensus sur la lecture qui s’est tenue en 2003 sous la présidence de l’historien de l’éducation Antoine Prost, les enseignants doivent davantage expliquer leurs méthodes, notamment aux parents, et les adapter à la situation de chaque élève. C’est là, précisément, que le bât blesse, estime Michel Zorman, médecin au Centre de référence des troubles des apprentissages au CHU de Grenoble.
« Les pays qui affichent les meilleurs résultats sont ceux qui, dès le début de l’apprentissage – et non une fois que les difficultés se sont installées –, déploient des pratiques pédagogiques intensives et individualisées », relève-t-il. Selon lui, la faiblesse du dépistage et de la prise en charge des troubles des apprentissages – notamment la dyslexie, qui touche à des degrés divers 10 à 12 % des élèves – n’est pas sans lien avec les mauvais résultats de la France.
Autre travers : « Parce que les programmes sont de plus en plus chargés, on attend très tôt des enfants une lecture correcte et aisée, constate Anne-Marie Chartier, maître de conférences à l’Institut national de recherche pédagogique. Dès le CE1 et le CE2, qui étaient jadis mis à profit pour automatiser le geste de lecture, on considère comme étant acquis ce qui ne l’est pas.
L’impact du milieu socio-économique est plus important qu'ailleurs
Du coup, les élèves qui se retrouvent le soir avec leurs parents autour d’un livre s’en sortent, tandis que ceux issus de milieux culturels moins favorisés sont susceptibles de décrocher. » Les rédacteurs de Pisa observent d’ailleurs que, en France, « l’impact du milieu socio-économique sur la performance est plus grand que dans la moyenne des pays de l’OCDE ».
Selon eux, l’origine peut, elle aussi, avoir un impact. Les élèves issus de l’immigration représentent en France 13 % des élèves soumis aux épreuves Pisa, une proportion relativement élevée. « Ceux issus de la première génération s’exposent à au moins deux fois plus de risques de compter parmi les élèves peu performants », constatent-ils. Mais l’écart de performance en compréhension de l’écrit atteint 23 points (contre 18 en moyenne dans l’OCDE) entre la première et la deuxième génération.
Ces données s’expliquent-elles par le lien qui souvent unit immigration et précarité ? Ou par le fait qu’une part importante des enfants issus de l’immigration entendent parler à la maison une langue autre que le français ? Apprendre deux langues en même temps constitue une réelle chance, veut croire Béatrice Pothier, maître de conférences à l’Université catholique de l’Ouest. « Ce qui compte le plus, c’est que l’on parle à la maison une langue correcte et riche. C’est aussi l’investissement psychologique des parents dans l’apprentissage du français par leur enfant. »
"La lecture en ligne exerce un impact positif "
Cette linguiste ne croit guère non plus aux supposés effets dévastateurs des nouvelles technologies, qui feraient concurrence au livre et encourageraient un relâchement de l’écrit. L’étude Pisa semble lui donner raison. « La lecture en ligne exerce un impact positif sur la performance en compréhension de l’écrit et cet impact est plus marqué en France que dans la moyenne des pays de l’OCDE », soulignent ses auteurs.
Reste la question du degré de difficulté de la langue française. « Environ 85 % des correspondances entre lettres ou groupes de lettres et sons sont prévisibles, contre 97 % pour l’espagnol, l’italien ou le tchèque, rappelle Alain Bentolila, autre linguiste. Mais c’est quand on passe de l’oral à l’écrit que cela se corse. » Pour autant, soutient-il, cette complexité ne saurait dédouaner l’école.
Pour relever le défi, celle-ci doit « garantir aux élèves, dès la grande section de maternelle, une maîtrise suffisante de l’oral et un vocabulaire riche et précis ». Anne-Marie Chartier, de l’INRP, juge elle aussi le français particulièrement difficile. Mais, fait-elle valoir, « d’autres francophones comme les Québecois obtiennent de bien meilleurs résultats, notamment parce que les orthophonistes sont davantage présents dans leurs écoles ».
Denis PEIRON
Qu'en pensez- vous??????Donnez votre avis ; il est le bienvenu!!!!