Choisir le bon séjour linguistique pour son enfant
Chaque année, des milliers de jeunes partent à l’étranger améliorer leur niveau de langue. Un voyage à bien préparer pour éviter les mauvaises surprises
Quel que soit notre âge, nous gardons dans un coin de notre mémoire le souvenir de notre premier séjour linguistique en Angleterre : la traversée en ferry, le bus à impériale, le dessert à la jelly… Avant de débarquer à Southampton, nous avions échangé quelques lettres avec notre « corres », pour savoir s’il était plutôt Beatles ou Rolling Stones. À l’époque, on n’avait pas trop le choix. C’était l’immersion totale dans l’intimité d’un cottage. Pour se faire comprendre, une seule solution : parler anglais ! Ensuite, échange oblige, c’était au tour du correspondant de traverser la Manche pour se plonger dans un bain à la française…
Aujourd’hui, les séjours linguistiques constituent une catégorie touristique propre et plus d’une centaine d’organismes se disputent ce marché lucratif. L’an dernier, 130 000 jeunes sont partis à l’étranger pour un séjour de deux semaines, au prix moyen de 1 500 €. Parmi les destinations choisies, l’Angleterre arrive en tête , suivie des États-Unis.
L’Allemagne et l’Espagne demeurent des pays de deuxième langue, donc moins demandés. « Il y a quatre ans, le succès du groupe de rock germanique Tokio Hotel avait provoqué une ruée des 9 /11 ans sur le choix de l’allemand en première langue et, par contre coup, sur les séjours outre-Rhin », observe Stéphane Tavernier, chef de produit des séjours linguistiques à la Ligue de l’enseignement. De la même façon, durant l’été 2009, l’« effet Obama » avait entraîné un boom des inscriptions sur les séjours aux États-Unis. Aujourd’hui, la Grande-Bretagne est devenue la destination la plus compétitive… et la préférée des petits Français.
La solution incontournable pour pratiquer une langue
« Les parents ont conscience que l’apprentissage, la pratique et le perfectionnement d’une langue étrangère constituent une compétence de base pour leur enfant. Le séjour linguistique étant un moyen de le faire progresser, il s’est imposé comme la solution incontournable», précise Danièle Durand qui s’est longtemps occupée de ce secteur au CIDJ (Centre d’information et documentation jeunesse).
Incontournable certes mais d’un coût élevé, réservant de fait ce style de voyages à une minorité. Raison de plus pour demander un coup de pouce financier à sa mairie, son conseil régional ou son comité d’entreprise, voire à un club comme le Rotary qui propose aux jeunes un système d’échanges ouvert à tous.
« Le séjour linguistique permet d’intégrer la langue dans son contexte culturel », souligne Laure Peskine, professeur d’anglais et secrétaire générale de l’association des professeurs de langues vivantes (APLV). Par exemple, le mot « pain », l’équivalent de « bread » en anglais ou « brot » en allemand, désigne en réalité, selon les pays. un objet différent, de texture variable et consommé dans un contexte spécifique.
Un séjour réussi est donc indissociable d’un investissement humain
« A l’étranger, l’enfant associe des souvenirs, une culture, une expérience personnelle, et il apprend à se débrouiller par lui-même », renchérit Gersende Goisque Moreau, déléguée générale de l’Office nationale de garantie des séjours et stages linguistiques (ONGSSL). Selon le pédopsychiatre Olivier Revol (1), pour un adolescent, ce style de séjour allie l’utile à l’agréable : « L’apprentissage de la langue donne du sens à son voyage ; le fait d’être étranger dans un autre pays, une autre famille, le remet au centre et renforce sa confiance en lui-même ; enfin l’éloignement géographique lui permet d’accélérer son mouvement d’autonomie dans un cadre sécurisant».
Un séjour réussi est donc indissociable d’un investissement humain. «Au-delà de la démarche linguistique, s’accomplit une démarche de découverte : le jeune doit avoir envie d’aller à la rencontre de l’autre », ajoute Hervé Jean, secrétaire général de l’APEL (Association des parents de l’enseignement libre). Aussi est-il primordial que l’enfant soit volontaire pour partir. On ne doit pas le forcer.
D’autant que, bien souvent, il s’agit de la première expérience de séparation. Dans ce cas, les parents sont parfois plus inquiets que les enfants ! D’où la nécessité de bien préparer leur séjour : définir le projet, choisir un organisme, une formule adaptée, vérifier les termes du contrat, les devoirs et les obligations de l’enfant, le contact avec le responsable local. L’idéal étant de trouver une bonne adéquation entre l’organisme, le séjour, le jeune et la famille d’accueil.
Désormais minoritaire, bien que la plus économique, la formule « immersion totale » en famille 24 H sur 24 est à réserver, selon la plupart des professionnels, « à des candidats préparés et motivés », et elle est déconseillée pour un premier séjour à l’étranger. « Trop jeunes, les enfants ont un niveau d’anglais insuffisant pour entretenir une conversation, et il leur est difficile de s’adapter à un nouveau rythme de vie et à des habitudes alimentaires différentes», estime Stéphane Tavernier.
La formule « classique » combine cours collectifs de langues et activités sportives
La formule « classique » combine cours collectifs de langues le matin et activités sportives et/ou culturelles l’après-midi. Dans ce domaine, l’éventail est large : on peut améliorer son anglais et s’adonner à l’équitation, au tennis, au football, au golf, jouer de la musique ou visiter la région : une façon de mettre un zeste d’esprit « colo » dans le séjour linguistique. « C’est un peu la carotte pour donner envie au jeune de partir », reconnaît Danièle Durand. Attention cependant à l’intitulé «multi-activités» qui peut se révéler décevant… sur le terrain ! L’hébergement a lieu soit en collège, solution bien adaptée aux jeunes écoliers de 6ème et 5ème, soit en famille d’accueil.
En Angleterre, les familles sont rémunérées pour recevoir plusieurs jeunes étrangers. Il convient alors de vérifier auprès de l’organisme qu’il n’y a pas plus d’un francophone par famille. Tous ne le garantissent pas. Autre possibilité pour les enfants -ou les parents - qui ne sont pas encore prêts à sauter le pas, le séjour linguistique en France, dans un centre de vacances, avec cours le matin et activités l’après-midi, avec des animateurs français qui parlent anglais !
A partir de la classe de quatrième, vers l’âge de 13/14 ans, on peut envisager d’autres formules comme le « one to one », soit une semaine en pension complète chez un professeur avec cours particuliers le matin et immersion dans la vie quotidienne l’après-midi. Un peu plus cher mais progrès garantis. Une formule intermédiaire intitulée «club 4» regroupe en journée chez un professeur quatre élèves hébergés dans différentes familles.
Le séjour linguistique doit s’intégrer dans une notion de «parcours»
A partir de la classe de seconde, le jeune choisit la langue qu’il veut améliorer dans la perspective du baccalauréat. Selon sa personnalité, son niveau de langue et son degré d’autonomie, il s’orientera vers l’une de ces formules auxquelles s’ajoute celle de l’immersion totale. A noter, certains organismes proposent quelques séjours en juin destinés aux élèves de seconde libérés durant cette période.
Des séjours « prépa-bacs », pendant les vacances de printemps, s’adaptent aux élèves de Terminale. A partir de 16 ans, pour consolider ses acquis à l’écrit et progresser à l’oral, une jeune peut aussi opter pour une école de langues, à raison d’une vingtaine d’heures de cours intensifs par semaine, avec hébergement en famille d’accueil pour les mineurs, ou en colocation ou campus à partir de 18 ans.
Selon Danièle Durand, le séjour linguistique doit s’intégrer dans une notion de «parcours», l’idéal étant de partir plusieurs fois au cours de sa scolarité. «C’est un premier pas, il faut en faire d’autres, résume Gérard Deshayes, directeur de l’Office nationale de garantie des séjours et stages linguistiques. Il ne faut pas en attendre de miracle, l’enfant ne va pas rentrer bilingue en trois semaines. C’est une corde de plus à son arc. Et neuf fois sur dix, il aura envie de repartir ».
France LEBRETON
(1) « J’ai un ado, mais je me soigne » d’Olivier Revol. Ed. JC Lattès, 260 p., 18€