A Arles, le photographe Lucien Clergue a sa statue, et son personnage est même devenu un petit santon que les touristes de passage peuvent acheter. Le papi à la barbe blanche et aux discours teintés d'accent provençal, qui aimait raconter ses souvenirs avec son ami Picasso sans jamais se lasser, est la figure tutélaire des Rencontres d'Arles.
Figure majeure de la photographie en France, il est mort à 80 ans , soit dix jours après son grand ami, le guitariste gitan Manitas de Plata, dont il a lancé la carrière internationale en jouant les intermédiaires avec des producteurs américains.
Cet Arlésien pur jus, issu d'un milieu modeste et qui rêve d'abord de devenir violoniste, photographie des cadavres d'oiseaux sur les berges du Rhône. Il montre ses images, au culot, à Picasso, il n'a pas 20 ans. C'est le début d'une longue amitié et d'une belle carrière de photographe.
Ses images de taureaux morts (ses « charognes ») ou de débris sur la plage, ses nus particulièrement osés pour l'époque – il en tirera un livre célèbre, Née de la vague (1965), le rendent rapidement célèbre. Son premier livre, Corps mémorable (1957), accompagné de poèmes de Paul Eluard, d'une introduction de Jean Cocteau, et orné d'une couverture de Picasso, est un succès.
Exposé au MoMa en 1961
Sa réputation va bien au-delà des frontières : il est l'un des rarrissimes français à bénéficier d'une exposition au MoMA de New York. En 1961, le directeur du département de photographie Edward Steichen l'expose et lui achète une dizaine de photographies.
Lucien Clergue deviendra, toute sa vie, un activiste de la photographie, qu'il tente de promouvoir comme un art – une notion moquée à l'époque. C''est lui qui propose à Jean-Maurice Rouquette, conservateur du musée Réattu à Arles, de créer un département de photographie, une première en France, nourrie des dons de tous les photographes de l'époque.
Mais sa plus grande œuvre reste sans aucun doute les Rencontres d'Arles, qu'il crée en 1969 avec l'écrivain Michel Tournier et Jean-Maurice Rouquette : il transforme le festival local, dédié au départ à la musique, en des rencontres autour de la photographie et des expositions d’images dans la ville, et bientôt dans les églises. Il fait venir toutes les grandes figures de l'époque, amis et relations, venus de partout comme Ansel Adams, qui organisent des conférences et des stages pratiques sur place.
L'Arlésien donne ainsi un coup de fouet décisif à la diffusion de la culture photographique en France. Le festival, d’abord rendez-vous à la bonne franquette de copains et d'amateurs, deviendra au fil des ans une manifestation incontournable, une référence mille fois copiée à travers le monde. En 2014, le festival avait rendu hommage par une grande exposition à son fondateur à l'énergie inépuisable.
Claire Guillot
Sauf que c'est Rouquette qui en a eu l'idée mais qui n'avait pas l'envergure de Clergue et c'est ce dernier qui en a eu les lauriers.