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 La famille, un modèle qui évolue

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AuteurMessage
douce teigneuse
Admin
douce teigneuse


Messages : 19842
Date d'inscription : 28/10/2010

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MessageSujet: La famille, un modèle qui évolue   La famille, un modèle qui évolue EmptyVen 11 Mar 2011, 22:27


Questions que pose la transformation du noyau familial


EXTRAITS
Martine Segalen
Sociologue

«Ni en miettes, ni désinstitutionnalisée, la famille, les familles de ce XXIe siècle sont cependant méconnaissables. (…) J’identifie deux causes à l’origine de l’avènement des modèles qui nous sont contemporains : la montée du sentiment et la montée de l’égalité de sexe dans la société. Les trois conséquences en sont une fragilisation du lien conjugal, un renforcement des liens de filiation, de nouveaux rapports à l’enfant. L’avènement du sentiment dans la formation des unions a une origine ancienne ; on peut la faire remonter à la doctrine chrétienne du mariage qui insistait sur le libre consentement des époux.

Au cours du XIXe siècle, l’émergence du sentiment amoureux a transformé le sens du mariage bourgeois, fondé sur la transmission du patrimoine. Les années 1960 ont vu le triomphe du mariage d’amour entre jeunes gens, jusqu’à ce que s’instaure une révolution des mœurs qui deviennent plus permissives en matière de sexualité. Et, au prétexte de la montée de la vie privée, on voit se scinder le mariage et l’amour, à tel point qu’aujourd’hui le nombre de mariages est en chute libre, certes compensée par le pacs, sorte de mariage light du point de vue du droit, beaucoup moins protecteur pour les contractants. À la racine de ces changements, celui du statut des femmes.

La montée du sentiment a servi la cause des femmes, puisque, comme l’observe Paul Lacombe, un sociologue du XIXe siècle trop peu connu, et qui a étudié les sociétés qu’on appelait encore “primitives”, c’est la façon dont la femme entre en mariage qui détermine la manière dont elle sera traitée (…).

«Le “démariage” a changé la place de l’enfant»
Aujourd’hui, les femmes entrent en union sur un pied d’égalité avec les hommes, et tout change ou presque tout. Éduquées, libérées de grossesses non désirées, les femmes sont aussi entrées sur le marché du travail, et comme les hommes, elles ont mis en œuvre une conception individualiste de la vie. La France est d’ailleurs un des rares pays d’Europe qui a compris que pour encourager les femmes à devenir mères, il fallait les aider à faire garder les enfants en bas âge. (…).

Des changements législatifs majeurs ont accompagné et aussi permis ces changements familiaux, instaurant une égalité de droits entre hommes et femmes au sein de la famille. Nous sommes entrés dans ce qu’Irène Théry a nommé le temps du “démariage” qui modifie le point d’équilibre de notre système de parenté. Reposant autrefois sur le mariage, il s’est déplacé vers la filiation, arbre généalogique aux branches duquel se rattacher lorsque, par exemple, le couple se rompt. Notre système de parenté n’échappe d’ailleurs pas à une règle universelle : dans les sociétés où le mariage est faible, c’est la filiation qui forme la colonne vertébrale de la famille. (…)

Le “démariage”, en second lieu, a changé la place de l’enfant qui est appelé à fonder la famille. Celui-ci est devenu l’intense objet de désir d’une société bébéphile. La socialisation du couple marié qui s’était construite dans sa vie intime et privée s’effectue avec la naissance de l’enfant qui prolonge la double lignée. Des personnes, sans liens entre elles jusqu’alors, deviennent, par le biais du nouveau-né, des paires de grands-parents.


«L’État de plus en plus présent dans les trajectoires familiales»
Enfant voulu, la date de sa naissance est programmée. Grâce à la dissociation entre sexualité et fécondité, la conscience de choisir, dominer, prévoir une grossesse est une réalité toute neuve dans notre monde. Cet enfant, plus que jamais désiré, fantasmé est pourtant en risque : d’être élevé au sein d’un foyer qui n’est pas constitué de ses deux parents.

Si la mort rompait autrefois les familles, aujourd’hui ce sont les ruptures informelles et les divorces qui ont transformé le cadre d’élevage et d’éducation de l’enfant. Décompositions et recompositions familiales, parents en plus et en moins caractérisent le nouveau paysage de la famille, souvent au prix de difficultés économiques et sociales : tel est le cas d’un nombre important de mères chargées d’enfants, qu’on n’appelle plus mères célibataires mais familles monoparentales.

On sait que ces difficultés sont aggravées dans certains milieux de migrants où la socialisation familiale fonctionne mal. C’est dans ce cas notamment qu’intervient l’État, de plus en plus présent dans les trajectoires familiales. Voilà donc un paradoxe qu’il faut encore souligner : les individus ne se réclament que d’une vie privée, mais s’appuient sans cesse davantage sur l’État providence, partenaire de la famille comme l’avait bien noté le fondateur de la sociologie Émile Durkheim dès la fin du XIXe siècle. »

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