Victoires de la musique à Hubert Félix Thiéfaine et Catherine Ringer Hubert-Félix Thiéfaine aux Victoires de la Musique, le 3 mars.
Catherine Ringer et Hubert-Félix Thiéfaine. Leurs noms revenaient sans arrêt ces derniers jours lorsque l’on cherchait à dégager les favoris des 27e Victoires de la Musique. Ils devaient l’emporter. Même si la première avait à affronter Camille et son sublime album « Ilo Veyou », et deux jeunes chanteuses, la gouailleuse Zaz et la Bretonne Nolwenn Leroy, championnes au palmarès des ventes d’albums.
Et même si une infime minorité de Français était capable de citer une chanson du second, qui avait face à lui l’irrésistible Thomas Dutronc et le toujours jeune Julien Clerc, jamais non plus récompensé par une Victoire du meilleur artiste.
Pour ces cadors-là, pourtant, on verrait plus tard. Ce n’était pas leur tour, mais celui de Ringer et Thiéfaine : deux personnalités singulières et expérimentées de la scène rock françaises, qui ont sorti de beaux albums en 2011 – « Ring’n’roll » pour la première, « Suppléments de mensonge » pour le second – après avoir traversé les épreuves de l’existence.
La figure de proue du duo Rita MitsoukoLa chanteuse âgée de 54 ans fut pendant un quart de siècle la figure de proue du duo Rita Mitsouko, qui accumula les succès jusqu’à la fin de 2007, moment du décès de Fred Chichin, compositeur, guitariste, âme du tandem, et compagnon de Catherine à la vie.Après cet événement dévastateur, elle poursuivit seule l’aventure, surmontant ainsi sa douleur. « Ring’n’roll », son premier album sous son nom, se révèle un hymne à la vie et à l’amour.
En particulier le titre « Mahler », bouleversant. Sur fond de 5e symphonie du compositeur autrichien, Catherine Ringer y exprime avec des mots simples le manque de l’autre, du bonheur partagé. Sur scène, le public communie, tandis qu’à ses côtés, Raoul, leur fils, a repris le flambeau à la guitare.
La revanche de ThiéfaineLe parcours d’Hubert Félix Thiéfaine, né à Dôle en 1948, est bien différent. Ses deux Victoires (meilleur artiste masculin et meilleur album de chansons) couronnent quarante ans de poésie de l’ombre, belle, profonde, de rock sombre qui parle de train qui déraille, de tête qui éclate, de « dingues et de paumés ». Peu diffusé en radio, absent des télévisions, « HFT » remplit des salles dans toute la France.
Et plusieurs de ses seize albums, dont le dernier, se sont vendus largement au-dessus des 100 000 exemplaires. En 2008, le chanteur fut victime d’un « burn-out » – phénomène d’épuisement professionnel pouvant conduire à la dépression. Hospitalisé plusieurs mois, il en ressortit avec des envies neuves. Et un, album au titre nietzschéen qui le met enfin en lumière.
Voulzy, Aubert et BrigitteÀ ces deux formes de revanche, il faut ajouter, au terme d’une soirée sans doute trop longue pour tenir ses téléspectateurs – battue à plate couture par « The Voice », sur TF1 (35 % de part de marché contre 12,6 %) – l’émotion de Jean-Louis Aubert, qui obtient une première Victoire en 35 ans de carrière pour sa récente tournée ; la joie simple de Laurent Voulzy, dont la chanson « Jeanne » a été plébiscitée par le public ; ou celle du duo pétillant des Brigitte, deux jeunes filles qui se qualifient elles-mêmes d’anciennes perdantes… Une autre leçon de ténacité.