Victoires de la musique classique : les gagnants sont...
La soprano Sabine Devieilhe, silhouette gracile et voix aérienne, et le violoncelliste Edgar Moreau, 20 ans, ont remporté les précieux trophées , tandis que les «révélations» récompensaient le jeune claveciniste Jean Rondeau et le ténor Cyrille Dubois.
La soprano Sabine Devieilhe a été sacrée «artiste lyrique» de l'année aux Victoires de la musique classique lors d'un concert à l'Auditorium Nouveau Siècle à Lille. L'artiste s'est imposée en quelques années comme l'étoile montante des «soprano colorature», la tessiture la plus aérienne pour les soprano, une catégorie où elle est souvent comparée à sa glorieuse consœur Natalie Dessay.
La jeune Normande - originaire d'Ifs, petite commune au sud de Caen - a étudié le violoncelle, puis la musicologie et découvert le chant à 20 ans, à Rennes. Première nommée au Conservatoire de Paris, elle brille très vite: elle est «révélation lyrique» aux Victoires de la musique en 2013, sort un premier disque dédié à Rameau, incarne Lakmé à Montpellier (2012) et la Reine de la nuit à Lyon (été 2013) avant de partir à la conquête de la capitale.
Son interprétation éblouissante de Lakmé en janvier 2014 à l'Opéra Comique puis les aigus stratosphériques de la Reine de la Nuit dans La Flûte enchantée à l'Opéra Bastille confirment un parcours élégant et déterminé.
Sabine Devieilhe, qui chante L'enfant et les sortilèges de Ravel à la Philharmonie de Paris les 4 et 5 février (avant Londres le 12 février et cet été au prestigieux festival anglais de Glyndebourne) garde la tête froide et sa simplicité souriante en fait une «anti-star».
Autre prodige récompensé: le jeune violoncelliste Edgar Moreau, 20 ans remporte la Victoire du soliste instrumental. Le jeune homme au visage de chérubin et aux boucles brunes a joué lundi soir Czardas de Vittorio Monti. Issu d'une famille de musiciens, il commence à l'âge de quatre ans le piano et le violoncelle, suit les cours du Conservatoire de Paris, donne ses premiers concerts à 11 ans. Il joue depuis 2011 sur les plus grandes scènes mais nourrit aussi un vif intérêt pour la musique de chambre. Il a participé aux côtés de Renaud Capuçon au Festival de Pâques d'Aix-en-Provence, et était «révélation soliste instrumental de l'année» aux Victoires de la musique classique de 2013.
«Ça décoiffe!»
Parmi les jeunes talents, le jury des Victoires a choisi Jean Rondeau, qui apporte à 23 ans toute sa fraîcheur au clavecin, et dans la catégorie lyrique le ténor Cyrille Dubois.
Cyrille Dubois, d'origine normande, a fait des études scientifiques avant de se consacrer au chant. Il intègre en 2010 l'Atelier lyrique de l'Opéra de Paris et enchaîne les rôles. La saison dernière, il a interprété Gérald dans «Lakmé» à l'Opéra Théâtre de Saint Etienne ce qui lui a valu d'être considéré comme un des espoirs du chant français (primé révélation lyrique 2014 par le syndicat des critiques musicaux). C'est d'ailleurs un air de Lakmé qu'il a interprété lundi soir lors du concert. On l'entendra début février dans Ariane à Naxos de Strauss à l'Opéra de Paris puis en mai et juin dans Le roi Arthus d'Ernest Chausson (rôle du Laboureur) aux cotés de Roberto Alagna.
«Ca décoiffe!» a lancé l'animateur et musicien Frédéric Lodéon en accueillant Jean Rondeau. A 23 ans, le jeune homme n'a pas seulement une coiffure ébouriffante: il dépoussière sérieusement le clavecin.
«Tombé un peu par hasard sur le clavecin», selon ses confidences à France Inter lundi, il a eu un «coup de foudre». Formé auprès de Blandine Verlet, puis au Conservatoire de Paris et à la Guildhall School de Londres, il décroche plusieurs prix internationaux. Il se produit aujourd'hui dans les plus grandes salles d'Europe et d'Amérique du Nord, et joue aussi régulièrement avec le groupe de jazz Note Forget et avec Nevermind. Il vient de sortir un disque remarqué, consacré à des transcriptions pour le clavecin de pièces de Bach.
Des invités prestigieux
Parmi les nombreuses personnalités, le ténor allemand Jonas Kauffmann, attendu pour recevoir une «Victoire d'honneur», n'était pas présent, contrairement à la belle soprano bulgare Sonya Yoncheva, qui vient de triompher au Met dans «La Traviata» et sort un premier disque, «Paris mon amour».
Le pianiste Bertrand Chamayou a joué en hommage au grand pianiste Aldo Ciccolini, décédé à 89 ans dans la nuit de samedi à dimanche. Philippe Jaroussky, maintes fois récompensé aux Victoires de la musique, a chanté un extrait de son prochain disque consacré à Verlaine et un air d'Orlando de Haendel avec Emmanuelle Haïm et son Concert d'Astrée.
La Sud-Africaine Pumeza Matshikiza, qui a fait le voyage depuis Nantes (ouest), où elle participait dimanche soir au concert de clôture de la «Folle journée» a chanté avec panache un des airs favoris de La Callas O mio babbino caro.
Les Victoires de la musique classique ont fait découvrir au grand public en 20 ans de nombreux talents devenus des stars, comme le contre-ténor Philippe Jaroussky, les pianistes Alexandre Tharaud et Bertrand Chamayou, les frères violonistes Gautier et Renaud Capuçon.