Le dalaï-lama annonce, jeudi, qu'il prévoit de renoncer à sa fonction de chef du gouvernement tibétain en exil, estimant que le temps était venu de laisser sa place à un nouveau dirigeant "librement élu". "Mon désir de transmettre l'autorité n'a rien à voir avec une volonté de renoncer aux responsabilités", a déclaré le dalaï-lama durant un discours à Dharamsala, dans le nord de l'Inde où vivent les Tibétains en exil. "C'est pour le bien à long terme des Tibétains. Ce n'est pas parce que je me sens découragé", a-t-il ajouté.
Le chef des Tibétains en exil, âgé de 75 ans, Prix Nobel de la paix, a ajouté qu'il demanderait un amendement lui permettant de renoncer à ses fonctions au cours de la prochaine session du Parlement tibétain en mars. Un porte-parole du dalaï-lama avait déjà annoncé en novembre son intention de quitter sa fonction de chef du gouvernement tibétain en exil pour alléger sa charge de travail et réduire son rôle officiel, sans toutefois abandonner son rôle spirituel.
ENGAGEMENT CONTINU
Le dalaï-lama avait seulement 15 ans lorsqu'il fut nommé "chef d'Etat" en 1950 après l'arrivée des troupes communistes chinoises au Tibet. Plus haut rang du bouddhisme tibétain, le dalaï-lama est considéré comme la réincarnation du premier dalaï-lama né en 1391. Il s'enfuit de Chine en 1959 pour se réfugier à Dharamsala après l'échec d'un soulèvement contre l'administration de Pékin. "Dès les années 1960, je n'ai eu de cesse de répéter que les Tibétains avaient besoin d'un dirigeant, élu librement par le peuple tibétain, à qui je pourrai transmettre le pouvoir, a-t-il déclaré. Aujourd'hui, le moment est atteint pour mettre cela en application."
Lors de son discours jeudi, marquant l'anniversaire du soulèvement de 1959, le dalaï-lama a toutefois assuré qu'il ne se retirait pas de la lutte politique et restait "engagé à jouer son rôle pour la juste cause du Tibet". En dépit de son âge et de problèmes de santé, il continue de voyager pour faire valoir la lutte du peuple tibétain. Il a déclaré jeudi avoir reçu des appels "répétés et sincères" du Tibet mais aussi d'ailleurs pour lui demander de conserver son rôle politique.
Dans un entretien téléphonique au Monde, l'écrivaine tibétaine basée à Pékin, Tsering Woeser, estime que les Tibétains sont "plutôt optimistes quant à l'arrivée du futur premier ministre".
Comment doit-on interpréter l'annonce du dalaï-lama, ce jeudi matin 10 mars, depuis Dharamsala en Inde, où il réside ?
Tsering Woeser : Cette annonce a lieu juste avant l'élection du premier ministre du gouvernement tibétain en exil, qui aura lieu le 20 mars et qui est un évènement très important pour tous les Tibétains, y compris ceux qui se trouvent en Chine.
Cela montre donc l'importance qu'il attache à cette élection, et le fait qu'il l'annonce à ce moment, indique qu'il transférera son pouvoir politique au premier ministre élu.
Qu'est-ce que ça implique pour sa future réincarnation ?
Le dalaï-lama a tenu depuis cinq cents ans le rôle d'un dirigeant politique et religieux dans la société tibétaine. Son départ à la retraite ne concerne que l'aspect politique. Donc cela n'influencera pas le processus de réincarnation, qui est de l'ordre du religieux, un domaine dans lequel il ne prend pas sa retraite, peut-on dire.
Comment les Tibétains en Chine vont-ils percevoir cette leçon de démocratie que le dalaï-lama semble donner à la Chine ?
Les Tibétains en Chine sont très attentifs à cette décision, ils comprennent le dalaï-lama, et je pense qu'ils sont plutôt optimistes quant à l'arrivée du futur premier ministre.
Le gouvernement tibétain en exil n'a cessé ces dernières années de mener des réformes dans la société traditionnelle tibétaine, par exemple, un système d'élection a été mis en place [pour la communauté tibétaine en exil] depuis plusieurs dizaines d'années. Cette situation n'est pas sans ironie, quand on la compare au gouvernement chinois, avec à sa tête un dictateur, qui refuse d'assouplir son pouvoir et de pratiquer des élections.
Cela nous permet de réaliser que les Tibétains en exil ont le droit de voter pour les candidats qu'ils soutiennent, alors qu'en Chine, depuis plus de quarante ans, je n'ai jamais vu un bulletin de vote.
Les Tibétains vont donc comprendre et soutenir cette décision, car cela leur donne de l'espoir.
Propos recueillis par Brice Pedroletti
Qu'en penses tu , Népa ??? Qu'en pensent tes amis lointains?????