Elle se fait jazzy, puissante ou intime, pour les dix ans du Sunside ; elle permet de communier des heures entières dans la Nuit du gospel ; elle se met à swinguer (avec Thomas Dutronc), à sourire (avec Florent Marchet), à faire naître la nostalgie (avec Christophe)… Et bien sûr elle lance un grand appel au rêve : celui, accessible, de My Fair Lady, au Châtelet, et celui, impossible, de L’Homme de la Mancha, au Capitole. Pas de doute, les spectacles musicaux, cet hiver, mettent à l’honneur la voix. On y va ?
La fantaisie de My Fair Lady My Fair Lady au Châtelet 2, rue Édouard-Colonne, Paris Ier
Jusqu’au 2 janvier à 20 heures (sauf les samedi et dimanches à 15 heures)
A-t-on besoin de raconter l’histoire d’Eliza Doolittle ? Imaginée il y a près d’un siècle par George Bernard Shaw dans sa pièce Pygmalion, elle est sans doute l’une des plus souvent applaudies sur les scènes, de Londres à Broadway, depuis la création du spectacle musical en 1956. Enjeu d’un pari entre le vieux professeur Higgins, spécialiste de phonétique, et le colonel Pickering, Eliza, la fleuriste à l’accent cockney devenue reine du bal, est l’incontestable vedette de cette fin d’année à Paris.
Mis en scène par Robert Carsen, dirigé par Kevin Farrell à la tête de l’Orchestre Pasdeloup – association qui avait déjà triomphé l’an passé dans The Sound of Music, en français La Mélodie du bonheur, également au Châtelet –, ce My Fair Lady possède la particularité d’être coproduit par le Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg, où il sera présenté en juin, à l’occasion des Nuits blanches.
Pour l’heure, c’est Paris qui peut applaudir, dans le rôle phare, la jeune Londonienne Sarah Gabriel, révélée en 2008 par Lorin Maazel qui lui confia un grand rôle dans L’Opéra des Gueux, au Castleton Festival… Une ascension aussi fulgurante que celle de son inoubliable personnage ! (Photo : Théâtre du Châtelet).
Dix ans de jazz fêtés au SunsideSunset, Sunside 60 rue des Lombards, Paris Ier
New Morning
7-9 rue des Petites-Écuries, Paris Xme
Dix ans, ça se fête ! Le Sunside, l’un des plus fameux clubs de jazz parisien, à deux pas du Forum des Halles, ne se prive pas de le faire. Voisin du Sunset, créé en 1983 dans la cave voûtée du même établissement, la salle s’offre une belle série de concerts, y compris certains « hors les murs ».
C’est ainsi qu’au New Morning, le 29 décembre, on entendra à 20h30 la formation du batteur André Ceccarelli et le chanteur David Linx pour Le Coq et la pendule, voyage au cœur de l’univers de Claude Nougaro. Suivi de la chanteuse Anne Ducros qui présentera Ella my Dear, sa « lettre vocale » à Ella Fitzgerald, en quartet.
Le même soir et les deux suivants, le Sunset s’associe à la fête et accueille à 21 h 30 le Lady Quartet de Rhoda Scott, la chanteuse et organiste complice autrefois de Ray Charles… ou Ella Fitzgerald en personne, quarante ans de carrière, des pieds nus, un swing généreux : un must à voir en club.
Rhoda Scott occupera la scène dans la même formation, le lendemain. Puis, accompagnée de La Velle, chanteuse soul, pour deux concerts le 31, à 20h30 puis 23 heures. Une année qui s’achève en beauté ! (Photo : Rhoda Scott, Sunset-Sunside).
Le gospel s’offre une tournéeLa Nuit du Gospel Les 19 et 20 décembre à Lille (théâtre Sébastopol), le 30 à Paris (Église américaine), le 31 à Lyon (Grand Temple). Spectacle à 20h30
La 9e édition de la Nuit du gospel, actuellement en tournée, a pour tête d’affiche Craig Adams. Dans la lignée de Fats Domino – un parent –, cette voix d’or incarne à merveille le chant sacré des rives du Mississippi. Pianiste, organiste, il a partagé la scène avec Liz McComb (Jazz à Vienne), Joan Baez (Nice Jazz Festival) ou Ayo (Festival Strasbourg Jazz).
Une très bonne façon de finir 2010, sur un air de Happy days, avec son groupe The Voices of New Orleans. (Photo : Craig Adams, Nuit du Gospel)
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Le père Noël, version Florent MarchetFlorent Marchet chante NoëlMercredi 15 décembre à 17h28 dans la voiture-bar du Paris-Dijon (sur présentation du billet de train) puis à 19h30 à Dijon (la Coupole), vendredi 17 à 18 heures à Besançon (Bains-Douches), samedi 18 à 15 heures à Belfort (médiathèque)
La période des fêtes n’est pas celle des tournées de musiciens qui, généralement, s’accordent une pause avant de repartir sur les routes en janvier. Mais on s’en voudrait de ne pas attirer l’attention sur la démarche de Florent Marchet, chanteur très prometteur, qui participe cette semaine, parmi 69 autres artistes venus de l’univers de la chanson (Gaëtan Roussel, Mustang, Bastien Lallemant…), de la pop (Syd Matters, Cocoon, Moriarty…), du blues (Honkeyfinger) ou encore de l’électro (DJ Mehdi), au fort copieux festival « TGV Génériq ».
Celui-ci, comme son nom l’indique, se déroulera en partenariat avec la SNCF, entre Rhin et Rhône jusqu’au 19 décembre. Avec Courchevel, sorti à la mi-octobre, Florent Marchet avait offert l’un des albums de chansons les plus enthousiasmants de l’automne, rempli d’histoires de gens ordinaires. Un Souchon en puissance, avait-on écrit. Cette fois, il propose son regard décalé sur le Père Noël et la bonne manière de le chanter. Quatre concerts incisifs, forcément, dont le premier, mercredi, se déroulera… dans le bar du TGV ! (Photo : Pias).
Nantes sous le charme de ChristopheChristophe à NantesLe 20 décembre, à 20h30, à la Cité des Congrès
À l’heure où le monde se lève, Daniel Bevilacqua, alias Christophe, songe, lui, à aller se coucher. L’artiste de 65 ans a toujours vécu ainsi, à contretemps, sans avoir jamais l’air de cultiver son look : cheveux longs tirés en arrière, moustache aussi inamovible que ses lunettes noires ou ses bottes…
Sur scène, assis sur son escabeau rouge (« parce que au micro, ça fait vieux chanteur »), il enchaîne Aline, Les Mots bleus, Les Paradis perdus, La Dolce Vita… Quarante-cinq ans que sa voix atypique fait partie du paysage. La Sacem vient de l’honorer de son grand prix de la chanson. Il était temps ! (Photo : Lucie Bevilacqua).
A Toulouse, l’impossible rêve de BrelL'Homme de la Mancha Au Théâtre du Capitole ,
Tous les soirs à 20 heures (sauf dimanche 19, 15 heures)
Le théâtre du Capitole propose jusqu’au 19 décembre L’Homme de la Mancha, la célèbre comédie musicale de Dale Wasserman dont Jacques Brel signa le livret en français, pour son adaptation en 1968 à Bruxelles.
L’occasion de redécouvrir cette œuvre singulière, qui revisite, sur une musique de Mitch Leigh, le mythe de Don Quichotte en le mêlant adroitement à la vie de son auteur, Miguel de Cervantès. Celui-ci, emprisonné à Séville sous l’Inquisition, « organise » son procès sous la forme d’un divertissement où lui et les autres détenus joueraient les rôles de son fameux livre.
Coproduite par le Capitole et l’Opéra de Monte-Carlo, cette nouvelle adaptation est mise en scène par Jean-Louis Grinda. Celui-ci a déjà présenté à Toulouse La Périchole (en 2002) et la Chauve-Souris (en 2006). La production, elle aussi, emprunte à l’art lyrique, avec notamment Nicolas Cavallier (en Cervantès/Don Quichotte) et Christine Solhosse. (Photo : Patrice Nin/Théâtre du Capitole).
Thomas Dutronc, un gadjo chez les ManouchesNoël manouche Salle Pleyel
252, rue du Faubourg-Saint-Honoré, Paris VIIIe
Son père Jacques a mis La fille du père Noël dans sa hotte à succès. Lui, le « fils de », se contentera, deux soirs avant le réveillon, d’arriver salle Pleyel, avec son inséparable guitare remplie de notes incroyables.
Se contentera ? Façon de parler ! Thomas Dutronc se présentera en formation sextet, un beau cadeau. D’autant qu’après trois ans sur les routes, depuis la sortie de son unique album à ce jour (plus de 650 000 ventes !), le guitariste virevoltant et chantant en a tout juste fini avec sa tournée.
Et s’il accepte cette séance de rappel, c’est qu’il y a du swing dans l’air. Thomas Dutronc succédera sur scène ce soir-là au prodige Lévis Adel Reinhardt, 13 ans, qui revisitera les œuvres de son arrière-grand-père Django. Et à Angelo Debarre et sa formation Manoir de mes rêves. De « vrais gitans » qui l’ont accueilli dans leur clan sans lui demander de papiers.
Thomas a appris sur le tas : « Après mon bac C, j’ai opté pour le cinéma, des études à la Fémis pour devenir réalisateur. Mais je m’ennuyais, je n’étais pas assez littéraire. J’ai découvert la guitare au même moment, et m’y suis mis à fond. »
Simple ! Après les gammes, le croque-notes côtoie vite l’élite du pavé au cœur des puces de Saint-Ouen, où s’exprime sa passion pour Django. « Ce qui est génial chez lui, c’est sa façon d’envoyer un solo. Le reste, le côté manouche, ça ne veut rien dire… » En 2001, il rejoint le Gipsy Project de Bireli Lagrène. Le début d’une flânerie partie pour durer. (Photo : Yann Orhan/EMI).
Jean-Yves DANA