L’odeur corporelle, bien plus qu’une gêneNotre corps a une odeur. De même que tous les animaux de la Terre ont leur odeur. Les bactéries de notre peau décomposent la sueur et créent une empreinte personnelle de chacun de nous. Les émotions et l’attraction sexuelle ont elles aussi leur reflet olfactif. L’essor de l’hygiène personnelle ferait-il disparaître cette voie de communication ?
La peau est l’organe chargé de la réfrigération du corps et c’est pour cela qu’elle sécrète de la sueur : son évaporation absorbe la chaleur et maintient la température corporelle à un niveau convenable. Mais l’on pourrait s’étonner d’apprendre que la sueur en soi n’est pas la coupable des odeurs corporelles ; cet honneur douteux échoit aux bactéries qui colonisent notre peau de manière naturelle. Le liquide inodore, huileux et riche en protéines sécrété par les glandes sudoripares est utilisé par les bactéries de la peau comme source de nutriments et, résultant de la métabolisation bactérienne, des substances organiques volatiles se dégagent, générant l’odeur.
La flore microbienne prolifère dans les zones du corps où les glandes sudoripares et sébacées (qui sécrètent de la graisse) sont nombreuses et où l’humidité est retenue par les plis corporels, les vêtements et les chaussures. Il n’est donc pas étonnant que les aisselles, l’aine et les pieds soient les parties les plus odorantes de notre corps.
La communication olfactive Mais l’odeur corporelle, loin d’être une simple gêne à laquelle il faut remédier ou masquer, remplit certaines fonctions, dont certaines, liées à l’attraction sexuelle, sont connues depuis des siècles, tandis que d’autres ont été révélées plus récemment. Au cours des dernières décennies, les chercheurs ont découvert que notre odeur est non seulement conditionnée par notre activité physique, mais aussi par la génétique, l’âge, l’état émotionnel et l’alimentation, et qu’elle remplit une fonction communicative de caractère social et sexuel. La science est venue confirmer ce que la sagesse populaire savait déjà.
Aujourd’hui, nous savons que les glandes des aisselles dégagent une odeur différente lorsque nous sommes soumis au stress ou à l’excitation, odeur qu’il est possible de percevoir. Ainsi, notre odeur corporelle devient le messager des émotions, comme cela a été vérifié dans le cas de la peur, par exemple. Certaines des substances responsables commencent à être sécrétées à partir de la puberté, parmi lesquelles des dérivés de la testostérone, une hormone sexuelle.
Nous captons 10.000 odeurs Le fait que certaines personnes soient plus sensibles à l’odeur corporelle semble être dû à nos gènes. Ainsi, posséder intact un gène particulier nous rend spécialement sensibles à l’un des composants de la sueur, l’acide isovalérique.
Mais la disparité de perception de l’odeur corporelle ne s’explique pas par ce seul gène. L’être humain possède des centaines de récepteurs olfactifs capables de distinguer jusqu’à 10.000 odeurs, et cette diversité pourrait bien expliquer pourquoi un arôme agréable pour certains s’avère insupportable à d’autres.
Parfums envoûtants et déodorants sélectifs De nombreuses investigations cherchent à découvrir de quelle manière l’odeur corporelle influe sur l’attirance personnelle ou le sex appeal par le biais de substances dont l’action a été confirmée dans les rapports entre les animaux : les phéromones. Car, logiquement, l’industrie de la parfumerie rêve de connaître les substances qui pourraient augmenter le pouvoir d’attraction d’un parfum.
De leur côté, l’industrie cosmétique et l’industrie textile ont conçu des additifs antibactériens et antitranspirants pour les incorporer à des déodorants ou des tissus. Il s’agit d’inhiber les bactéries responsables des mauvaises odeurs sans affecter les bactéries bénéfiques, ou alors de réduire les sécrétions qui se transforment en substances malodorantes. La neutralisation des principales coupables, les bactéries corynéformes, est devenu l’objectif.
La révolution de l’hygiène L’humanité a toujours cohabité avec l’odeur corporelle. D’où l’utilisation séculaire des encensoirs dans les églises ainsi que de parfums et essences précieuses. Jusqu’au XIXe siècle, le bain était une habitude propre aux classes favorisées qui ne se pratiquait que de manière sporadique. Les parfums, loin de remplir une simple fonction esthétique, servaient à dissimuler les effluves personnels. Les gens du peuple, surtout les habitants des villes, vivaient plongés dans une atmosphère insalubre qui serait insupportable à notre nez actuel.
L’hygiène corporelle commença à se développer grâce aux progrès de la santé publique et, surtout, à la généralisation des installations sanitaires et d’eau courante au XXe siècle, joints à l’expansion de la fabrication industrielle des savons, qui avait commencé au siècle précédent.
L’habitude généralisée de la douche quotidienne et des soins de la peau, qui nous semble normale aujourd’hui, est un usage qui s’est implanté très récemment dans les pays développés. En conséquence, notre odeur corporelle, réduite aujourd’hui au minimum, est passée du statut d’élément notoire de notre personnalité à celui d’objet d’études scientifiques.
Sources :
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www.leblogdelapeausaine.org - International Journal of Cosmetic Science - History of Hygiene
Auteur : Andrés Martínez, journaliste scientifique