A Lyon, la France décroche le Bocuse d'Or
De délicieux fumets s'échappent des casseroles. Fébriles ou au contraire très zen, 24 chefs du monde entier se sont affrontés, tels des coureurs de fond, à Lyon-Eurexpo, lors du Bocuse d'Or remporté, mercredi, par la France.
A 32 ans, le Français Thibaut Ruggieri a décroché ce prestigieux trophée, lors de la 14e édition de ce championnat du monde de gastronomie.
Il devance le Danois Jeppe Foldager, 27 ans (Bocuse d'Argent) et le Japonais Noriyuki Hamada, 37 ans (Bocuse de Bronze).
C'est la 7e fois que la France remporte le Bocuse d'Or depuis sa création en 1987 par le célèbre chef, dans le cadre du salon international de la gastronomie (Sirha).
Chef adjoint chez Lenôtre à Plaisir (Yvelines), Thibaut Ruggieri, originaire de Megève, a conquis le jury notamment avec son "filet de boeuf dans l'idée d'un Rossini" et son turbot aux "perles d'infusion aux herbes" et "cromesquis".
A bientôt 87 ans, "Monsieur Paul", souriant mais fatigué, a proclamé la victoire, laissant au sénateur-maire de Lyon Gérard Collomb le soin de remettre au vainqueur la statuette à son effigie.
Par groupes de douze, les finalistes des sélections en Europe, Asie et Amérique latine, ont rivalisé d'audace et de créativité, durant 5H35, mardi et mercredi, pour sublimer le boeuf irlandais, le turbot et le homard.
Une compétition, mais aussi un spectacle très médiatisé, face à 1.800 supporteurs survoltés dans les tribunes.
Dans sa cuisine de 18m2, le chef marocain Issam Jaafari assaisonne une sauce avant de la goûter. Fébrile, il court de part en part.
Face à lui, son coach Sébastien Bontour, armé de quatre minuteurs, le dirige et barre au fur et à mesure sur ses listes les étapes des recettes.
La pression est palpable chez certains candidats, tandis que d'autres donnent l'impression de "réciter des notes connues par coeur", relève Joseph Viola, vice-président du jury "cuisine".
La technicité "varie selon les pays, comme la manière de traiter le poisson", ajoute-t-il. "Chez les Scandinaves, le travail est plus pointu, plus méthodique et leur poste est toujours nickel".
D'un geste souple, le Suédois Adam Dahlberg émince le homard qu'il accommodera avec des "feuilles de chou, du corail séché et une écume de homard rôtie". La moindre tache sur son plan de travail est prestement essuyée.
Indifférent au vacarme ambiant, le Danois Jeppe Foldager hache des truffes. Le secret de ses recettes? "Le respect des produits, un bon goût classique avec une touche danoise, de la légèreté et beaucoup d'herbes", résume son coach Jakob De Neergaard.
Un peu "nerveux", le Français Thibaut Ruggeri, 32 ans, livre une "course contre la montre" pour réaliser ses plats "inspirés du savoir-faire à la Française et de Versailles".
Soutenu par un groupe de supporteurs en place dès 5H30. Et par une nuée de stars de la gastronomie, à l'instar d'Emmanuel Renaut, trois étoiles à Megève et juré français.
"Reste concentré ! On y va nickel chrome", l'encourage son coach Fabrice Prochasson.
"La première heure est primordiale, il faut lancer la machine", confie Romuald Fassenet, coach du Japonais Noriyuki Hamada. Ce "guerrier samourai", à la "recherche de la perfection" mise sur les "parfums du Japon" et le "design de l'assiette", explique le Français.
Chaque pays doit en effet "exprimer la spécificité" de sa cuisine. "A l'origine, l'idée du concours était de représenter toutes les cuisines du monde, mais certains candidats jouaient la sécurité en faisant de la cuisine française", explique le chef Guy Lassausaie.
Nouveauté cette année: les candidats ne pouvaient plus apporter la totalité de leurs ingrédients. Ils avaient une demi-heure, lundi, pour "faire leur marché en produits de saison" chez un exposant du Sirha pour "improviser" deux des trois garnitures accompagnant le poisson.
A la mi-journée, les 24 membres du jury présidé par le Danois Rasmus Kofoed, Bocuse d'Or 2011, sont entrés en scène, accompagné de Jérôme Bocuse, président du Sirha.