« L’école doit prendre en compte la diversité des familles »
Pour le sociologue Pierre Périer, maître de conférences à l’université Rennes 2, les familles populaires souhaitent une répartition plus stricte des rôles. Aux parents l’éducation. À l’école le scolaire, tout le scolaire, y compris l’aide aux devoirs.
Pourquoi le système scolaire français devient-il de plus en plus inégalitaire ?
PIERRE PÉRIER : Les statistiques montrent en effet que les inégalités se creusent. Les meilleurs font plus que jamais la course en tête, tandis que de 15 à 20 % des élèves rencontrent des difficultés scolaires croissantes.
Parmi eux, on trouve beaucoup de familles modestes domiciliées dans des quartiers qui ont perdu leur mixité sociale. Cet entre-soi subi pèse sur l’émulation et le rapport au savoir.
Comment se caractérisent les relations entre les familles populaires et l’école ?
P. P. : Quand leurs enfants sont en échec, elles en rejettent la responsabilité sur l’institution – plus que sur les enseignants – en invoquant les classes surchargées.
Et, en même temps, elles expriment souvent une forme de fatalisme : « C’est comme ça, mon fils a toujours été mauvais dans cette matière. Comme moi, d’ailleurs. »
De fait, il n’est pas rare que la situation des élèves fasse écho au délicat parcours scolaire des parents. Pour préserver le lien familial, ces derniers préfèrent trouver des excuses à leurs enfants.
Comment améliorer la confiance entre parents et enseignants ?
P. P. : Plutôt que de confiance, je parlerais de nécessaire reconnaissance mutuelle. La plupart des parents reconnaissent le rôle essentiel des enseignants, sans que ceux-ci en aient conscience.
Les familles les plus modestes n’arrivent pas toujours à communiquer avec l’école suivant les modalités qu’elle leur impose. Les enseignants leur font passer les informations par écrit, alors que beaucoup ont du mal avec la lecture.
De même, ils tiennent des réunions à des horaires parfois incompatibles avec les emplois des parents : les cadres, en général, parviennent à se libérer, mais pas les femmes de ménage en CDD.
Du coup, de nombreux professeurs considèrent une partie des parents comme démissionnaires et les stigmatisent, voire les disqualifient, parce qu’ils s’écartent de la norme qu’eux-mêmes ont unilatéralement fixée.
Comment améliorer la communication ?
P. P. : L’école doit expliciter ce qu’elle attend des parents. Ce qui devrait l’amener à réviser ses attentes, puisque nombre de familles ne sont pas à même de les satisfaire. Elle doit, dans sa façon de communiquer, prendre en compte leur diversité.
Elle doit aussi anticiper, ne pas attendre que tombent les premiers résultats pour faire venir les parents à l’école. Enfin, il faut insérer les familles dans un réseau (associations de parents d’élèves, associations de quartier, etc.), ne pas les laisser seules dans une relation asymétrique avec les enseignants.
Au-delà de cela, il faut aussi prendre en compte les attentes de ces familles populaires : leur priorité, c’est une complémentarité avec les enseignants. Elles souhaitent qu’on les laisse s’occuper de l’éducation de leurs enfants.
Et que l’école se charge, de A à Z, des questions scolaires, y compris l’aide aux devoirs, un facteur d’inégalité sociale dans la mesure où ces familles se sentent souvent démunies face aux apprentissages.
RECUEILLI PAR DENIS PEIRON
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