Crise politique : la Belgique égale le record de l'Irak
Sans véritable gouvernement depuis les dernières élections il y a 249 jours, la Belgique a égalé jeudi 17 février le «record mondial» de la plus longue crise politique détenu par l'Irak, un évènement célébré avec ironie par une "révolution de la frite" festive dans le pays.
A l'appel d'une trentaine d'associations étudiantes flamandes et francophones, des manifestations ludiques devraient rassembler des centaines de personnes dans l'après-midi à Gand, Anvers, Louvain, Bruxelles, Liège et Louvain-la-Neuve, les principales ville universitaires du royaume. Au menu : flash-mobs, strip-teases, animations musicales et, bien sûr, distributions gratuites de cornet de frites, symbole par excellence de la «belgitude».
A Gand (nord), où est organisée une fête populaire devant rassembler en soirée plusieurs milliers de personnes, les autorités «croisent les doigts» pour qu'il n'y ait pas d'incidents. Le parti d'extrême droite Vlaams Belang, dont le slogan est «Que la Belgique crève», a annoncé qu'il se mêlerait aux manifestants.
Flamands et francophones ne parviennent pas à se mettre d'accord Au-delà du clin d'oeil à la «révolution du jasmin» tunisienne, les jeunes qui se mobiliseront veulent «exprimer leur ras-le-bol de l'impasse politique et faire passer un message antiséparatiste et antinationaliste», a expliqué un des organisateurs, Michaël Verbauwhede. Les étudiants ne se font cependant que peu d'illusion sur l'impact qu'ils peuvent avoir.
Car s'il avait fallu aux Irakiens 249 jours pour parvenir l'an dernier à un accord de partage du pouvoir entre Kurdes, sunnites et chiites, «il n'y a toujours rien en vue» au moment où la Belgique franchit ce cap, titre jeudi le premier quotidien de Flandre (nord), Het Laatste Nieuws.
Malgré la lassitude de la rue, les pressions des marchés financiers ou certaines initiatives surréalistes - l'acteur Benoît Poelvoorde a demandé aux Belges de se laisser pousser la barbe jusqu'à la fin de la crise -, Flamands et francophones ne parviennent pas à se mettre d'accord sur une vision commune de l'avenir du pays.
Nommer une personnalité extérieure ? Les premiers, aiguillonnés par leur principal parti, la formation indépendantiste N-VA, réclament une autonomie régionale très poussée. Les seconds redoutent un appauvrissement pour leur communauté et à terme la scission du pays.
Mercredi, le roi Albert II a prolongé jusqu'au 1er mars une quantième mission de médiation entre partis confiée début février au ministre des Finances sortant, le libéral francophone Didier Reynders.
Huit mois après les élections législatives de juin 2010, sa tâche ne consiste même pas à tenter de former enfin un vrai gouvernement, mais d'examiner «les possibilités d'arriver» à un accord institutionnel. Peu en Belgique croient à ses chances de succès et, en attendant, le pays continue à être dirigé par un cabinet chargé d'expédier les affaires courantes.
Le fossé est tellement profond qu'il faudrait peut-être songer à nommer une personnalité extérieure pour rapprocher les points de vue, a suggéré jeudi dans le journal L'Echo un professeur de droit de Harvard, Robert Mnookin.
De nouvelles élections, peut-être en mai Le juriste américain avance le nom de l'ancien président finlandais et Prix Nobel de la paix Martti Ahtisaari, qui a exercé ses talents de diplomate notamment au Kosovo, en Namibie et en Irlande du Nord.
«L'ensemble du système politique (belge) est ainsi fait que deux peuples y cohabitent séparément, sans véritable liant. Le pays peut-il se séparer? Oui, cela pourrait arriver dans les dix prochaines années», a estimé Robert Mnookin.
Pour l'heure, la Belgique semble se diriger vers de nouvelles élections, peut-être en mai. Avec le risque qu'elles radicalisent encore plus les deux camps.
AFP
Photo : Assemblage de unes de la presse belge d'expression flamande du jeudi 17 février (AP Photo/Virginia Mayo).
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