La visite de l’Alhambra et les randonnées dans le massif des Alpujarras sont autant de façons de découvrir les vestiges anciens de la présence musulmane en Espagne L’Alhambra, sur la colline de Sabika, à Grenade Posée sur les contreforts de la Sierra Nevada, Grenade irradie sous le soleil. L’air des cimes rafraîchit déjà l’atmosphère, mais la douce lumière andalouse ravive les tons ocre de la ville et donne aux murs de l’Alhambra, « la rouge », un éclat saisissant sous les sommets enneigés. Admiré depuis le belvédère de San Nicolás, le spectacle est d’une rare beauté.
La citadelle mauresque, vestige de huit siècles de présence musulmane en Espagne, se dresse, là, en face, dans un écrin de verdure, comme une promesse de rêve et d’évasion. L’Alhambra : le nom évoque à lui seul la splendeur de la civilisation arabe et les légendes des mille et une nuits. Une histoire qui a toujours inspiré écrivains et poètes, dont Washington Irving, auteur des célèbres Contes de l’Alhambra.
Inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, ce chef-d’œuvre de l’architecture mudéjare, bâti aux XIIIe et XIVe siècles, émerveille par son raffinement. Partout, des stucs ouvragés, des bois sculptés, des plafonds en nid-d’abeilles, des azulejos colorés. Et sur presque tous les murs, des louanges divines et des poèmes dans différents styles calligraphiques.
Les architectes des palais nasrides ont calculé les proportions de chaque pièce, de chaque patio, selon des règles mathématiques. Tout est harmonie dans ce décor conçu à l’image d’un paradis où la lumière et la verdure s’unissent dans le murmure de l’eau qui s’écoule. Abondante grâce aux neiges éternelles de la Sierra Nevada, elle jaillit de partout et irrigue les magnifiques jardins de l’Alhambra et du Generalife, la résidence d’été des rois maures. Devenues légendaires, ces oasis luxuriantes sont un véritable enchantement pour les sens et un havre de fraîcheur à la saison chaude.
Sacromont et son flamenco enflammé et envoûtantDevant tant de merveilles, on comprend le désespoir de Boabdil, dernier souverain de la dynastie nasride à régner sur le royaume d’Al-Andalus, lorsqu’en 1492, il livra Grenade assiégée aux rois catholiques. Un tableau historique représentant sa reddition est exposé à l’entrée de la Chapelle royale, dernière demeure d’Isabelle et de Ferdinand qui firent également construire l’imposante cathédrale de Grenade.
Encore sous le charme magique de l’Alhambra, on avance dans l’Albaicin, le quartier maure de la ville, avec ses rues blanches escarpées, bordées de grenadiers, de glycines et de bougainvillées. Le silence y règne à l’heure de la sieste, et le calme des lieux est à peine troublé par le chant des étourneaux.
Du passé musulman, l’Albaicin a conservé les maisons « carmen » (entourées de jardins et de vergers), les fontaines et les minarets intégrés, après la Reconquête, aux clochers des églises. Depuis 2003, le quartier possède aussi une mosquée située près du Mirador de San Nicolas où il ne faut surtout pas rater le spectacle du couchant sur l’Alhambra.
En remontant vers le nord-est, on découvre Sacromonte, le quartier gitan et ses pittoresques maisons troglodytes, couvertes de figuiers de Barbarie. Devenu un lieu « branché », avec des discothèques souterraines, il est surtout réputé pour son flamenco enflammé et envoûtant, un art inscrit cette année au patrimoine mondial de l’humanité au titre des biens culturels immatériels.
Le temps semble arrêté dans ces villages accrochés à flanc de montagne
La tête pleine de rêves et repus de savoureuses tapas, on peut, à présent, quitter Grenade pour quelques jours de randonnée dans les Alpujarras, sur le versant sud de la Sierra Nevada. C’est, ici, dans ces montagnes isolées, que se réfugièrent les Maures pour échapper aux persécutions religieuses, avant d’être contraints à l’exil.
Les traces de ce passé musulman sont encore visibles dans l’architecture des maisons, chaulées, de style berbère. Le système d’irrigation, qui transporte l’eau des torrents jusqu’aux terrasses cultivées, daterait, lui aussi, de cette époque. Après le départ forcé des mudéjars (mot synonyme de Maure), il a fallu plus d’un quart de siècle pour repeupler ces terres reculées. Aujourd’hui encore, le temps semble arrêté dans ces villages blancs accrochés à flanc de montagne.
Ce matin, le soleil joue à cache-cache avec les nuages, mais lorsque la lumière surgit, la vallée de la Poqueira révèle toute sa splendeur, avec ses gorges encaissées et ses torrents au milieu de châtaigniers, de peupliers. « On se croirait presque dans les Cévennes ! » lance l’un des marcheurs.
Trevélez où l'on produit l'un des meilleurs jambons du paysMais l’Espagne est bien là dès que l’on découvre Capileira, Pampaneira et Bubión, des villages typiques des Alpujarras, avec les maisons carrées, aux toits plats, les ruelles étroites et les bodegas. Il faut visiter la Casa Alpujarreña, à Bubión, pour avoir un aperçu de la vie d’autrefois dans cette région qui commence à peine à s’ouvrir au tourisme.
Parmi les villages emblématiques, il y a également Trevélez, le plus haut « pueblo » d’Espagne, niché à 1 750 m, où l’on prépare l’un des meilleurs jamones serranos (le jambon du pays). Situé dans le parc national de la Sierra Nevada, le village sert de point de départ à de superbes randonnées dans des paysages de haute montagne.
Sur le sentier qui mène au pic de Peñabón (2 013 m), on aperçoit d’ailleurs au loin le sommet enneigé du Mulhacén, point culminant de la péninsule Ibérique, à 3 482 m. Plus on monte, plus la végétation devient rare. À peine quelques pins sylvestres et des chênes verts, clairsemés au milieu des rochers, derrière lesquels on ne tarde pas à voir des bouquetins. On n’aura pas la chance, en revanche, d’apercevoir l’aigle royal, autre locataire discret de ces lieux. De même pour l’étoile des neiges, l’une des nombreuses espèces végétales endémiques de ce paradis des botanistes… Un bon prétexte pour y revenir.
Paula PINTO GOMES